L’embarras du choix
Les associations ou organisations non gouvernementales (ONG) engagées dans la lutte contre quelque chose ou la défense d’autre chose présentent une belle opportunité de gagner en pouvoir et en influence à qui saura s’élever dans leur organigramme.
Une association qui pèse s’assied à la table du pouvoir, intervient dans les médias, brasse des sommes colossales et tient sous sa coupe des centaines voire des milliers de volontaires qui exigent d’être utiles et de faire don d’eux-mêmes.
Une armée de laquais potentiels.
L’un des avantages de ce type d’organisations est qu’elles sont nombreuses, et que vous pourrez facilement en trouver une à infiltrer, que sa vocation vous inspire la sympathie ou non. Un autre avantage est que dans l’immense majorité des cas, le seul prérequis pour inspirer la confiance et rejoindre le cheptel d’engagés est de prétendre chérir une cause. Pas de conditions d’entrée compliquées, même le dernier des incompétents trouvera une association désireuse de profiter de son temps, son attention et son énergie.
Comme déjà dit plus haut, le combat commun est parmi les plus puissants facteurs de connivence, et plus spécifique sera ce combat, plus grande sera la confiance accordée par défaut. Prétendre vous soucier de la sauvegarde d’une peuplade oubliée aux confins du monde vous hissera presque immédiatement au rang d’initié, mais aura pour contrepartie le risque d’un bénéfice restreint : la popularité d’une lutte délimite son pouvoir.
À l’inverse une cause plus banale et brassante comme la lutte contre les « inégalités » ou les « injustices » vous vaudra une estime spontanée légèrement moindre, mais vous livrera des hordes de benêts à gruger.
Faire ses preuves
Quels que soit la cause ou le combat, viendra un moment où vous devrez donner des gages de sérieux et d’implication. Travailler gratuitement est juste suffisant pour prétendre à la supériorité morale que confère l’engagement « désintéressé », mais pour vraiment croître, il faudra être explicitement prêt au(x) sacrifice(s) et à la soumission.
Selon le champ d’action de l’officine que vous intégrerez, il pourra vous être demandé de : hurler des slogans dans d’interminables manifestations ; passer des nuits à coller des affiches moches ; confectionner des banderoles tout aussi moches ; injurier des gens que vous ne connaissez pas sur les réseaux sociaux ; vous occuper d’indigents illettrés et malodorants ; nettoyer ou nourrir des animaux pelés et galeux ; apprendre le tricot ou le théâtre à des assassins et des violeurs ; faire cuire des centaines de merguez sous la pluie ; nettoyer des locaux ou du matériel que vous n’avez pas salis ; rédiger et distribuer des prospectus que personne ne lira… et bien plus encore.
Toutes ces épreuves et d’autres ont valeur de rite(s) de passage(s), et ce n’est qu’une fois qu’elles auront été dépassées que vous pourrez gravir les échelons et espérer exploiter vos subalternes comme vous avez été exploité.
Évidemment, ce terme de « subalterne » ne sera jamais employé et on parlera bien plus volontiers de camarade ou de compagnon pour entretenir le mythe d’une égalité fantasmée ; la hiérarchie n’étant ici généralement pas assumée, il faudra prétendre souscrire à une horizontalité des relations pour s’intégrer : familiarité, tutoiement, connivence et bienveillance de surface seront des musts.
Cette négation de la hiérarchie implique une autre épreuve incontournable : d’interminables réunions ou assemblées censément démocratiques ou « participatives » qui accompagneront tout processus décisionnaire. Ne vous laissez pas impressionner par leurs protocoles ou leurs prétentions : leur finalité est d’abord théâtrale, aucune décision importante n’y est prise, elles ne satisfont personne et contrarient tout le monde.
Elles sont néanmoins l’occasion de communier autour de valeurs inaltérables, de dogmes ou commandements regroupés en « charte » ou « principes fondateurs » qui forment la structure idéologique de l’organisation. L’apolitisme ou la neutralité souvent revendiqués ne sont que les paravents d’une idéologie potentiellement (très) rigide.
Ces principes fondateurs, il vous faudra les connaître, de même que l’inévitable jargon et les névroses de la structure visée, et c’est là qu’interviendront les formations et autres stages. Toute organisation d’importance (et donc digne d’être infiltrée) en proposera (voire en imposera) à ses membres. Outils de formatage et de conditionnement, ces formations sont incontournables pour s’élever car elles font office de marqueur hiérarchique : vous ne commanderez officiellement pas, parce que commander c’est mal, mais comme vous avez suivi le stage « Fin du monde et surmulots » vous aurez la légitimité pour diriger et contrôler certaines opérations et certaines personnes.
Panier de crabes
Comme dans tout milieu à fort potentiel, vous trouverez dans les hauteurs du monde associatif une solide et rude concurrence, les organisations à vocation charitable ou solidaire sont un véritable vivier pour manipulateurs et un des terrains de jeux favoris des sociopathes et entubeurs en tout genre, parce qu’il y suffit d’afficher le masque de la bonté, du don de soi ou du militantisme pour endormir la méfiance et hypnotiser la plupart des engagés ; souvent de jeunes (ou moins jeunes) crédules en quête d’un sens à leur vie, rongés par la culpabilité du petit-bourgeois et prompts à […]